Sénégalaisement

Publié le par Rosy et Nico

- Salam Aleikoum

- Aleikoum Salam

- Naga def ?

- Mangui fi 

- Ca va ?

- Ca va, ça va

- Ca va

- Oui, ca va

 

La même question peut être posée ainsi à l’infini, et rythme la conversation, sans qu’il soit nécessaire de parler d’autre chose. Il y a quelques variantes, comment va la famille, ou les enfants, comment est le matin... Difficile de retenir toutes les formules en wolof, la langue nationale, alors avec Nico nous avons pris l’habitude de répondre « ça va » à chacune de ces questions. Un jour, Lamine me répond « sénégalaisement ». La vie va ainsi au Sénégal, ça va, ça vient.

 

Notre mois au Village des Tortues nous a permis de découvrir le Sénégal intimement, en se sentant intégrés, acteurs, même sur une courte période, et utiles à notre échelle. Nous sommes fiers de cette expérience, qui aura été un enrichissement humain et culturel indéniable. Et notre séjour est couronné par une fête de départ en notre honneur. Nous avons créé avec les membres de l’équipe des liens d’amitié et quitter le Village est pour nous comme un nouveau départ vers l’inconnu.

Nous sommes partis en direction de Saint-Louis, et avons traversé de petits villages de brousse typique, accueillis par les cris joyeux des enfants « toubab, toubab, toouuuubaaab ! ». Nous avons bénéficié chaque midi de la « Teranga », l’hospitalité sénégalaise, autour du traditionnel plat de thiéboudiène, le riz au poisson. L’Afrique nous a offert des moments magiques lors de douces soirées étoilées sous les baobabs, et des rencontres inattendues avec toute sorte d’animaux, oiseaux multicolores, gros lézard d’eau, serpent, et aussi un couple de singe, curieusement familiers...

 

L’envers du décor, c’est le rapport aux gens. Trop de tourisme et d’attitudes irréfléchies pervertissent la relation avec les Sénégalais. Nous ne sommes pas perçus comme des voyageurs, et la rencontre devient difficile. Les enfants n’hésitent pas à courir derrière nos vélos sur plusieurs centaines de mètres en criant « donnes moi l’argent, donnes moi le vélo ». Les adultes ne sont pas en reste et récitent à notre vue la même bobine préenregistrée.

Un matin, alors que nous grignotons quelques oranges pour le petit-déjeuner, au milieu de la brousse, deux jeunes paysans viennent s’asseoir en face de nous à quelques mètres, et nous observent, sans rien dire. Nous les saluons, ils ne répondent pas, nous leur offrons une orange, ils la prennent puis se figent. Mal à l’aise, nous avons l’impression d’être des bêtes curieuses, épiées sans retenue. L’échange ne se produit pas, nous déguerpissons. Et alors que nous poussons nos vélos dans le chemin sableux, j’entends réclamer « donnes moi l’argent, donnes moi l’argent ». C’est pour moi comme une épée en plein cœur, je ne comprends pas, cette image est horrible. Alors que nous nous éloignons toujours plus de lui, doucement, il continue de crier sa requête. Sa démarche m’échappe.

Ce rapport avec les gens est trop dur à supporter. Nous n’arrivons pas à dépasser cette barrière. La rencontre nous parait impossible, nous nous heurtons aux Sénégalais sans nous comprendre. Il n’y a pas que le problème de l’argent, nous n’arrivons pas à échanger avec les Sénégalais. La fameuse Teranga nous apparaît davantage comme une obligation qu’un accueil naturel et chaleureux, voir presque une leçon d’hospitalité pour nous autres occidentaux individualistes et égoïstes.

Quand la rencontre se fait choc.

Depuis toujours je me pose la question « pourquoi je voyage, pourquoi je vais en Afrique ? » et au Sénégal, nous réalisons que nous ne sommes pas à notre place, nous sommes en décalage et nous nous heurtons au choc des cultures. Car nous pouvons expliquer cette attitude, nous savons que le tourisme a fait beaucoup de dégâts, et nous nous interrogeons au quotidien sur notre comportement, nous cherchons à comprendre. Nous savons aussi qu’il ne faut pas se sentir agressés par ces demandes à répétition, car les Sénégalais se demandent aussi de l’argent entre eux sans cesse. Bien souvent, un membre travaille pour toute la famille et se fait « raquetter » par ses proches. Mais nous ne voyageons pas pour rencontrer de telles situations d’incompréhension. Le courant ne passe pas.

 

En revenant en Afrique de l’Ouest, je m’attendais à retrouver cette énergie joyeuse et pleine de vie qui m’avait tant marquée au Togo, je pensais replonger dans cette ambiance que j’avais tant aimée.

Erreur ! J’ai cru que l’Afrique noire francophone était Une, identique d’un point à l’autre, culturellement similaire. J’ai négligé les frontières, oublié la mosaïque d’ethnie de cette région. Le Togo, ce n’est pas le Sénégal, comme la France ce n’est pas la Bulgarie, même si c’est l’Europe !

 

Erreur et déception. Chaque voyage est unique, chaque pays aussi. Le Sénégal nous laissera un souvenir mitigé. Comme on dit par ici, sénégalaisement…

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S
<br /> de passage sur le blog, gros bisous à vous 2 et bon anniversaire à Nico puisqu'il semble que ce soit aujourd'hui et que nous ne sommes pas encore demain.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> ola :p<br /> bon anniversaire à Nico.<br /> bon courage pour la suite du voyage.<br /> bisous à vous deux<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Il est parfois des erreurs et déceptions qui nourrissent en définitive beaucoup plus que d'apparentes joies et réussites.<br /> <br /> Bon courage à vous 2<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Fidèle lectrice, juste un petit mot pour signaler que je suis passée !<br /> <br /> <br />
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